Arbre de vie
J’étais celui qui enflamme les collines en hiver, pompons subtils et enivrants tapissant l’Esterel.
Mes feuilles aussi légères et caressantes que les taffetas des Dieux,
Le mistral avait beau souffler, rien ne cassait ni ne tordait mes branches et mon feuillage aérien.
Je puisais ma force dans les argiles ocre de Bauxite. Comment tant de rouge aspiré par ma sève pouvait-il illuminer le ciel de jaune éclatant ?
J’étais la puissance étincelante du massif aux jours de février.
Bien sûr, j’ai concédé quelques branches parfumées pour fleurir les chars de la promenade.
Bien sûr, j’ai imaginé avec nostalgie ces ramures foulées par les touristes pressés du Carnaval.
Mais comment imaginer l’impensable ?
Les brûlures mortelles de cet été, ces cendres et scories charriées par un souffle destructeur, cet embrasement comme un volcan qui éructe sur mes branches, tord et craque mon écorce, dont les pleurs s’évaporent avant d’avoir coulé.
Vient ensuite le déluge, pas un nuage, ni un orage des soirs d’été, non une douche, âcre, brutale, je distingue une lance, un casque, des gyrophares, des cris.
Et puis le silence, minéral, sans le chant des cigales, seuls les craquements de mon écorce refroidie résonnent dans la nuit.
Alors, j’écoute, patiemment et je sais : je suis vivant.