Mes Humeurs

Écrire pour voyager au pays des mots, des images, des émotions, des humeurs et des rêves.
J’écris avec mon inspiration ou guidée par les propositions des ateliers d’écriture de Marie.
Partager ce voyage, lancer une bouteille à la mer.
Prise dans les filets de la toile, peut-être souhaiterez-vous l’attraper, découvrir son contenu.
Vous aimerez ou pas, je ne saurai rien de vos découvertes, elles vous appartiennent déjà !

Rose des vents

Me voici tombé là, immobile, arrêté dans ma course, trahi par l’anticyclone.

-Vent du Nord, toi glacial et mordant, que peux-tu me donner ?
-Je sais le fracas de la glace, les jours noirs sans fin, la solitude des phoques. Je te donne le poids des peurs et des tracas.
-Vent du Sud, dis-moi ce que tu souffles aux enfants ?
-J’emporte les senteurs des oasis : Jasmin, Bougainvilliers, les secrets des ancêtres, je fais couler l’air tiède sur leurs joues ensoleillées.
-Vent d’Ouest, que charries-tu au-delà des océans ?
-Je déverse la houle, les embruns, le sel au creux des vagues, les baisers des marins partis pour longtemps.
-Et toi, vent d’Est que vas-tu me donner ?
-Je suis là où tout a commencé, je suis l’étoile du levant, le souffle des aurores et des soleils d’avant, je te donne les matins pour inventer le monde sur la terre où tu es.

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Promenade sensorielle

Samedi 21 novembre 2020, 09H30, je complète mon attestation de sortie.
Balade sensorielle d’intérieur, attestant mes racines, les couleurs, les objets et les êtres peuplant mon quotidien.
J’écoute le silence, plein, tranquille, porté par le brouillard au-delà de la baie vitrée, léger, ouaté, feutré, protecteur. C’est la neige invisible des automnes des bords de Loire, en plus discret. J’entrouvre la fenêtre, une grande inspiration, de fines gouttelettes chatouillent ma langue, ma trachée, pénètrent mes poumons. C’est frais, gouleyant, des bulles pétillent, remontent dans mes pensées, éclatent dans mes souvenirs.
09H40, je descends au sous-sol, deux ronronnements m’accueillent à l’unisson, la chaudière et le chat, surtout le chat. Soulagement de sentir sous ma main ce petit moteur de chaleur et de vie. Les poils angora dispersés par les caresses agacent mes narines, silence ou charme rompu ? Éternuement tonitruant ! Je reste ta maîtresse déléguée, testament du cœur.
09H50, rez-de chaussée, le fumet du café chaud s’estompe. Je le bois froid, légère amertume de l’arabica qui coule dans ma gorge.
10H00 premier étage, je m’arrête devant cette lettre encadrée au mur, folle idée d’accrocher des mots d’amour. Je les lis souvent, sûre que tu les écoutes, portés par le brouillard.
10H15 deuxième et dernier étage, vue sur les jardins et les garages de la rue du Rempart, petits, rangés comme des cubes du haut de mes 6 mètres. Mon œil est attiré par deux taches rouge vif au fond du jardin, tiens ! des roses en train d’éclore ! l’été indien des automnes ligériens.
10H25, je suis dans les temps, je déchire mon attestation de promenade riche en couleurs, odeurs et bruits. Il reste le silence, gardien des mots du cœur.

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Foehn

Pas une goutte de pluie, rien, pas même ces perles grises des brouillards matinaux. Le Foehn est arrivé, il descend des montagnes, puissant, brûlant, à rendre fou les moineaux cisalpins qui piaillent leur détresse dans le feu éolien.
Il pénètre à vive allure dans les chalets posés en dominos sur la pente boisée. Il décolle la poussière dans la cour de la ferme, elle tourbillonne, habille les choses et les êtres d’un voile ocre, opaque : la chambre à air accrochée au portique devient roue de charrette aux couleurs de chêne, les ailes bleu vif des papillons argus se transforment en akènes d’érable tourbillonnants.
Le vent poursuit sa course, avale les distances, fait buller la surface des étangs survolés.
Plus loin, c’est la plaine, le Foehn ralentit, s’épuise, encore vivant, il tente d’insuffler sa vigueur chancelante aux vergers fleurissants, il s’étire, emporte mollement les fragrances des pêchers et cerisiers en fleurs, il termine sa course au milieu des champs, aperçoit le scintillement des eaux du Pô et vient mourir en brise vaporeuse au-dessus du courant.
Foehn, quand tu nous reviendras, apaise les âmes des vivants, épargne-nous ta folie et ton feu destructeur.

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Ma chérie

nature

Je te quitte, je te laisse seule dans ce jardin, tu dors parmi les fleurs, les pierres et les cyprès
Le TGV m’emporte si vite, si loin, je ne sais plus où tu es et j’ai peur de te perdre
Ma main ne caressera plus tes cheveux blonds si doux, elle ne soutiendra plus ton bras
Je t’écris pour ne pas oublier
J’aimerais te murmurer le vent libre et léger,
Te dire le pâle soleil des matins incertains, Les regards limpides des enfants étonnés, Les mains aux paumes ouvertes, Les fous rires et les pleurs qui nous lient à jamais. J’aimerais te consoler de tes peurs souterraines, chasser le mal de vivre
J’aimerais fermer les yeux, t’écrire le silence et t’écouter m’aimer

Il est si tard ma chérie, repose en paix.
Cette paix qui t’a tant manquée, qu’elle te protège,
Tu m’attends, je le sais
Je t’aime

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La malédiction de la chouette

Premier décembre

Première nuit de préparatifs

Tous les Pères et Mères Noël de l’Univers sont attendus pour la révision annuelle de leurs véhicules : vélocité des rennes, suspension des traineaux, isolation thermique des hottes, tout cela doit s’accomplir avec rigueur et méthode au cours de cette nuit-là, dans un lieu stratégique et secret comme l’exige la tradition de la magie de Noël.
Nuit sacrée où le clair de lune fait pousser les lentilles semées dans les ouates imbibées disposées autour de la crèche.
Une nuit de premier décembre, il y a bien longtemps, une malédiction s’est abattue sur la communauté des chouettes. Une dame blanche, en quête de proie nocturne, s’est laissé distraire par le clair de lune et une lointaine ritournelle venue de l’astre. Sa curiosité piquée au vif lui permit de mobiliser tous ses sens : vision perçante à infra-rouge au-delà des distances humaines, audition qui n’envierait rien au sonar des sous-marins si elle pouvait s’immerger dans l’océan. Vue et ouïe en éveil, notre chouette se tourna vers la lune, elle y découvrit un trafic incessant de silhouettes rouge et blanche atterrissant et décollant sur la face nord de l’astre. La ritournelle se précisa aussi : « Nous sommes les joyeux messagers des sourires des enfants, nous nous préparons à partager cadeaux, bonheur et réconfort avec tous ces bambins, Oui nous sommes la magie de Noël, pour petits et grands… »
Notre Dame blanche, emportée par tant de musique et de joie, se mit à hululer à l’unisson des accords de violon, elle battit des ailes dans la nuit étoilée. Malheur à elle et toute sa descendance ! Les lointaines silhouettes de Noël virent aussi : les plumes blanches voler, les cris dans la forêt, ils comprirent : secret dévoilé, secret dévasté, magie compromise et gâchée ! Les pouvoirs surnaturels de la communauté des traîneaux ne tardèrent pas à tomber sur le malheureux volatile : dans l’instant, elle fut pétrifiée, muette, immobile, des pierres à la place de ses yeux perçants, un plumage lourd, compact et granitique remplaçait déjà les plumes légères d’albâtre. Au matin, plus un bruit, silence minéral dans la forêt, un chêne lourd de secrets portait sur sa branche la plus haute un tas immobile et sans vie. Plus tard dans la journée, des promeneurs étonnés découvrirent une statue insolite : « tiens, on dirait une chouette, comment diable un sculpteur a-t-il pu déposer son œuvre à cet endroit ? Quelle drôle d’idée ! On jurerait que cette chouette regarde le ciel et plus loin encore ! »
“Depuis, petits hiboux, de la lune méfiez-vous ! Un regard trop perçant une nuit de premier décembre et votre plumage deviendra pierre ou cendre ! »

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