Foehn

Pas une goutte de pluie, rien, pas même ces perles grises des brouillards matinaux. Le Foehn est arrivé, il descend des montagnes, puissant, brûlant, à rendre fou les moineaux cisalpins qui piaillent leur détresse dans le feu éolien.
Il pénètre à vive allure dans les chalets posés en dominos sur la pente boisée. Il décolle la poussière dans la cour de la ferme, elle tourbillonne, habille les choses et les êtres d’un voile ocre, opaque : la chambre à air accrochée au portique devient roue de charrette aux couleurs de chêne, les ailes bleu vif des papillons argus se transforment en akènes d’érable tourbillonnants.
Le vent poursuit sa course, avale les distances, fait buller la surface des étangs survolés.
Plus loin, c’est la plaine, le Foehn ralentit, s’épuise, encore vivant, il tente d’insuffler sa vigueur chancelante aux vergers fleurissants, il s’étire, emporte mollement les fragrances des pêchers et cerisiers en fleurs, il termine sa course au milieu des champs, aperçoit le scintillement des eaux du Pô et vient mourir en brise vaporeuse au-dessus du courant.
Foehn, quand tu nous reviendras, apaise les âmes des vivants, épargne-nous ta folie et ton feu destructeur.

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