La malédiction de la chouette

Premier décembre

Première nuit de préparatifs

Tous les Pères et Mères Noël de l’Univers sont attendus pour la révision annuelle de leurs véhicules : vélocité des rennes, suspension des traineaux, isolation thermique des hottes, tout cela doit s’accomplir avec rigueur et méthode au cours de cette nuit-là, dans un lieu stratégique et secret comme l’exige la tradition de la magie de Noël.
Nuit sacrée où le clair de lune fait pousser les lentilles semées dans les ouates imbibées disposées autour de la crèche.
Une nuit de premier décembre, il y a bien longtemps, une malédiction s’est abattue sur la communauté des chouettes. Une dame blanche, en quête de proie nocturne, s’est laissé distraire par le clair de lune et une lointaine ritournelle venue de l’astre. Sa curiosité piquée au vif lui permit de mobiliser tous ses sens : vision perçante à infra-rouge au-delà des distances humaines, audition qui n’envierait rien au sonar des sous-marins si elle pouvait s’immerger dans l’océan. Vue et ouïe en éveil, notre chouette se tourna vers la lune, elle y découvrit un trafic incessant de silhouettes rouge et blanche atterrissant et décollant sur la face nord de l’astre. La ritournelle se précisa aussi : « Nous sommes les joyeux messagers des sourires des enfants, nous nous préparons à partager cadeaux, bonheur et réconfort avec tous ces bambins, Oui nous sommes la magie de Noël, pour petits et grands… »
Notre Dame blanche, emportée par tant de musique et de joie, se mit à hululer à l’unisson des accords de violon, elle battit des ailes dans la nuit étoilée. Malheur à elle et toute sa descendance ! Les lointaines silhouettes de Noël virent aussi : les plumes blanches voler, les cris dans la forêt, ils comprirent : secret dévoilé, secret dévasté, magie compromise et gâchée ! Les pouvoirs surnaturels de la communauté des traîneaux ne tardèrent pas à tomber sur le malheureux volatile : dans l’instant, elle fut pétrifiée, muette, immobile, des pierres à la place de ses yeux perçants, un plumage lourd, compact et granitique remplaçait déjà les plumes légères d’albâtre. Au matin, plus un bruit, silence minéral dans la forêt, un chêne lourd de secrets portait sur sa branche la plus haute un tas immobile et sans vie. Plus tard dans la journée, des promeneurs étonnés découvrirent une statue insolite : « tiens, on dirait une chouette, comment diable un sculpteur a-t-il pu déposer son œuvre à cet endroit ? Quelle drôle d’idée ! On jurerait que cette chouette regarde le ciel et plus loin encore ! »
“Depuis, petits hiboux, de la lune méfiez-vous ! Un regard trop perçant une nuit de premier décembre et votre plumage deviendra pierre ou cendre ! »

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