Être chez soi
Être chez soi,
c’est poser un pied nu sur les tomettes fraîches du couloir de l’entrée,
la maison de l’été aux murs de pierre épais,
boucliers protecteurs d’une chaleur immobile.
Être chez soi,
c’est gravir l’escalier qui mène au grenier,
soulever les couvercles des malles abandonnées,
jouer l’étonnement face aux trésors d’antan :
la dentelle de Mirecourt aérienne et jaunie,
un chauffe-plat musical aux émaux ébréchés dont les verts turquoise vous évoquent l’Indochine et le col de vison aux parfums de naphtaline.
Être dans sa chambre à soi,
c’est ne pas fermer la porte ;
les murs lavande, la commode en bois brut,
le lit, les fleurs séchées,
la boîte à musique et l’herbier ouvert à la page de la gentiane bleue :
cette chambre me reconnaît, son balcon sur le lac me laisse contempler d’un regard amusé l’atterrissage des canards,
ces chatoyants avions criards dans la brume du soir.
Être chez soi,
c’est là où l’on revient,
après les grands départs à pied sur les chemins,
après les nulle part dans l’avenir incertain,
après les jours que l’on pensait sans fin,
après les rencontres d’une nuit,
d’une vie,
la maison du retour, celle qui vous attend,
aujourd’hui ou toujours.